Enfer administratif
Il y a des jours où on se demande si la France n'a pas hérité de l'URSS pour tout ce qui touche à l'administration. Exemple vécu !
M. Patrick HUGUET
Maire du 3ème arrondissement
69003 LYON
Le 20 mai 2005
LRAR
Monsieur le Maire,
Je tiens par la présente à vous manifester mon plus vif mécontentement. Habitant votre arrondissement, je viens en effet de subir une épreuve particulièrement irritante de la part de vos services.
Accrochez-vous, ça vaut son pesant d'or...
Ayant besoin du renouvellement de mon passeport, je me suis rendu dans vos bureaux avec toutes les pièces après avoir consciencieusement vérifié sur Internet lesquelles étaient nécessaires - car il faut dire que je ne suis habituellement pas doué pour la chose administrative.
On m'a objecté lors du premier entretien que mes photos n'étaient pas valables car, bien que de très bonne qualité, elles avaient été produites par une imprimante couleur. Bien que stipulée nulle part, j'ai bien voulu accepter cette « nouvelle règle » et, de bonne grâce, j'ai été me faire tirer le portrait chez un photographe patenté sur un papier plus « administratif ». Précisons qu'à l'issue du premier rendez-vous chez vous, j'ai bien demandé à votre collaboratrice de me préciser si le reste du dossier était correct et complet, ce qui me fut confirmé à haute et intelligible voix.
De bonne heure et de bonne humeur, quelques jours plus tard, je me rends donc pour la seconde fois dans vos bureaux, sûr de mon affaire et certain que l'opération ne serait désormais que pure formalité. C'était être bien naïf... Car c'est là que, ô surprise, une autre de vos collaboratrices me demande si j'avais bien pensé à prendre mon livret de famille (ou acte de naissance). Je lui objecte que sa collègue m'avait précisé que mon dossier était complet et que je n'ai jamais entendu parler de cette pièce sur Internet pour un renouvellement de passeport. Devant son insistance et sa certitude de détenir le bon droit, je finis par m'incliner sans faire d'esbroufe et par accepter de retourner chez moi aller chercher le fameux livret de famille. Un froid de canard et une marche forcée empêchent la moutarde de me monter complètement au nez. Une fois chez moi, je m'arme du livret, mais également d'une copie d'écran de la liste des pièces qui confirme mes doutes sur le fait qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un livret de famille pour un renouvellement de passeport.
Je retourne dans vos bureaux pour la troisième fois donc. Cette fois, pas de souci, il ne manque plus rien me dis-je, je vais finir par y arriver. Mais ce n'était qu'un doux rêve car votre collaboratrice m'invente un nouveau caprice. Mon dossier ne sera pas accepté, me dit-elle, car mon justificatif de domicile ne comporte que la mention « M.Bleton », ce qui ne prouve pas que moi, Anthony, suis bien cette personne habitant 65 rue Voltaire. Un moment de stupeur m'a pris, et après avoir tenté de comprendre ce qui poussait votre collaboratrice à tant de vice, là, je dois vous avouer, Monsieur le Maire, que mon sang n'a fait qu'un tour et que mon calme, pourtant avéré, s'est évanoui en un seul instant dans les plafonds de votre bel édifice. J'ai explosé, ai maudit la terre entière d'avoir inventé un tel enfer et ai exigé que l'on traite le dossier sans que j'ai à revenir une quatrième fois. Devant son refus obstiné, j'ai demandé à voir sa supérieure hiérarchique qui n'a réussi à me calmer qu'en rabrouant sa collaboratrice sur l'affaire du livret de famille et en consentant à ce que je ne revienne pas mais lui envoie un courrier du Trésor Public avec mon nom ET mon prénom par fax, ce que je fis, pensant en finir avec ce cauchemar.
Quatrième épisode, je reçois quinze jours plus tard un appel de vos services qui me précise que je dois leur amener un autre justificatif car le courrier du Trésor Public est amputé du Titre Interbancaire de Paiement, ce qui le rend soi-disant inutilisable. Comment fournir un tel document autrement qu'amputé du TIP quand on a payé ses impôts comme tout bon citoyen... De guerre lasse, sans dire un mot (je les avais tous dit lors du troisième entretien et l'aventure me faisait désormais rire intérieurement devant un tel acharnement), je retourne pour la quatrième fois chez vous pour m'entendre dire que ça y est le dossier est complet mais que pour avoir mon passeport dans les temps, il ne faudra pas y compter car les délais étant les délais et, bien que je parte dans un mois exactement, on ne peut pas aller plus vite que la musique. Tout ça comme si tout ce temps perdu auparavant n'avait aucune origine du côté de vos services, que tout était ma faute, ma très grande faute...
Il a donc fallu amener lors d'une cinquième visite un justificatif comme quoi je partais en Egypte pour des raisons professionnelles... sans quoi mon voyage eut été bien compromis. Mais si c'était là la seule façon d'arriver à mes fins...
Une semaine et demi après, sixième visite pour aller retirer le tant désiré passeport qui aurait dû être prêt en 3 jours, soi disant. Et là, nouvelle surprise : on m'annonce que le justificatif de voyage professionnel a été perdu et que mon dossier est retombé dans la pile des dossiers des voyages touristiques, le lent... Vos services m'affirment qu'ils font le maximum pour m'aider mais que je suis tout de même condamné à refaire le document. Que dire...
Septième visite donc pour amener un nouveau justificatif prouvant que je vais bien en Egypte pour raisons... professionnelles. A ce niveau, la moutarde ne me monte même plus au nez car ce n'est plus utile, je pense que vous en conviendrez. Mon regard suffit à trahir ce que je pense.
Lors de ma huitième visite, avec quelques gouttes de transpiration d'angoisse sur les tempes, j'ai enfin réussi à obtenir mon passeport, soit une semaine avant mon départ alors que je m'y étais pris 2 mois avant.
Huit visites pour un passeport sans compter les appels téléphoniques et les fax... vos collaboratrices m'ont soutenu qu'elles étaient en sous-effectif, on comprend trop bien pourquoi !
Voyez-vous Monsieur le Maire, tout cela serait risible si j'avais été un paisible retraité, ou un étudiant désœuvré, ou je ne sais quel autre oisif passant son temps en vacances mais il se trouve que j'ai loupé au final pour cette minable affaire près de 5 ou 6 heures qui bien-sûr vont se ressentir sur les résultats de la société à laquelle j'appartiens. Je ne suis pas là du tout pour vous demander des dommages et intérêts mais simplement pour que vous soyez informé des petits scandales quotidiens qui se passent sous votre toit et qui nous pourrissent la vie, nous, vos administrés.
Je n'attends pas d'excuses non plus, vous n'y êtes personnellement pour rien, et puis j'ai eu bien mieux pour me consoler : j'ai enfin eu mon passeport qui m'a permis de passer quelques jours loin, très loin... de vos collaboratrices.
Faites simplement que ces douloureuses expériences disparaissent de notre vie. Je ne suis pas loin de penser que l'enfer est constellé de ce genre de petites situations et je constate malheureusement que notre société semble curieusement prendre cette bien mauvaise direction.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Maire, l'expression de mes plus sincères salutations.
Anthony BLETON
Des nouvelles de Monsieur le Maire, depuis ??? non ??
Donc en plus c'est double peine.
La paye au mérite, c'est pas pour tout de suite !!!