Lettre ouverte à Gérard Collomb, Sénateur-Maire de Lyon,
Monsieur le Sénateur-Maire,
J'aimerais par la présente vous informer de la façon dont est dépensé l'argent que vous vous donnez tant de peine, année après année, à nous convaincre de la nécessité de vous le donner. Je voudrais aussi vous féliciter de la dernière innovation dont ont fait preuve vos services pour augmenter vos recettes. Il semble en effet, au vu de ce que je viens de vivre, que vous ne soyez pas au courant de tout ce qui se passe dans notre belle capitale des Gaules.
Il y a environ une semaine, je me déplaçais en vélo, mode ô combien doux — je reprends vos mots — pour faire une liaison entre deux rendez-vous professionnels dont vous savez comme moi qu'ils peuvent être stressants. Mais ce petit moment réconfortant fût de courte durée, vous allez comprendre pourquoi. Je tentais désespérément de trouver un passage entre la place Carnot et le pont Gallieni et en l'absence de piste cyclable, je décidais, entre la voie de tramway, l'entrée d'autoroute et le trottoir, d'opter pour ce dernier qui m'assurerait la plus faible probabilité de mourir.
À la fin de ce trottoir que j'empruntais à une vitesse très éloignée de celle de la lumière, vous imaginez bien, je vois 3 personnes en uniforme de la ville de Lyon avec leurs vélos. L'une d'elles m'interpelle. Comme je suis actif au conseil de quartier du 3ème arrondissement et que je consacre pas mal de mon temps avec les élus à passer en revue les équipements cyclistes, j'ai d'abord pensé que cette charmante demoiselle m'avait reconnu et voulait me demander mon avis sur des futurs aménagements sur cette zone compliquée. Vous allez rire mais ce n'était pas du tout pour ça qu'elle m'interpellait : le but était beaucoup plus prosaïquement de... me verbaliser.
Et là franchement, je tiens à vous adresser mes félicitations ! C'est vraiment très astucieux de votre part et de vos services : ne pas tracer de piste cyclable à cet endroit permet, d'une part de faire des économies importantes sur les infrastructures, mais également d'assurer des rentrées d'argent en piégeant sans coup férir les importuns qui, par dizaines, empruntent ce passage stratégique chaque jour ! Chapeau bas, Monsieur le Sénateur-Maire !
Car savez-vous de combien j'ai écopé ? 90 euros ! Oui, tout à fait, 90 euros, le prix d'un vélo d'occasion ! Pour avoir roulé sur un trottoir ! Joli butin n'est ce pas ? Je suis tout à fait d'accord avec vous : quitte à financer chèrement des agents dont certaines mauvaises langues pourraient penser qu'ils sont complètement inutiles, au moins qu'ils assurent leurs salaires autant que faire se peut.
Ne baissez pas les prix : 90 euros, pas moins, car rouler sur un trottoir, ce n'est pas bien ! Même à deux kilomètres heure, on peut… « tuer une grand-mère », m'a t'on fait remarquer de façon fort morale ! Quel assassin en puissance ! On se félicite de votre volonté récente d'armer la police municipale pour contrer de telles menaces.
L'autre avantage, c'est qu'en finançant une brigade vélo, cela permet vraiment de faire croire à tout le monde que vous favorisez les modes doux. Et puis surtout cela permet également de montrer que vous ne faites pas que verbaliser les voyous et les racailles mais aussi et surtout les bons bobos comme moi. Vous au moins on ne pourra pas vous accuser de dérive droitière. Malin !
Au passage, en bon gestionnaire que vous êtes, je me doute bien que vous avez compris depuis longtemps que les bobos sont nettement plus solvables ! Comme disent les anglais : Fish where the fishes are !
Vous l'avez compris, Monsieur le Sénateur-Maire, avec cet événement mineur, on a un bon aperçu de comment fonctionnent les finances publiques et la politique de la ville. Si j'osais, je dirais même que la partie éclaire le tout. En tout cas, moi, ça m'a permis de comprendre plein de choses même si mon âge bientôt avancé fait que j'avais déjà quelques idées sur ces questions. J'espère pour ma part que cette histoire vous aura éclairé aussi sur la façon dont vos services encouragent le vélo en ville et interagissent avec vos administrés les finançant, car peut-être ne vous doutiez vous pas forcément que des choses si astucieuses aient pu être mises en place sur votre territoire.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Sénateur-Maire, malgré mon ton un peu acide et mes arrières pensées un peu amères, l'expression de mes salutations les plus respectueuses.
Anthony Bleton-Martin
PS : je me tiens à votre disposition pour vous discuter de tout cela en toute amitié et vous indiquer au moins une dizaine d'autres endroits impossibles pour les vélos où vous pourriez envoyer vos agents afin de leur permettre d'essayer de compenser leurs salaires.