Article publié dans le Pied de Rochefort, journal local de Beaujeu (Beaujolais) dans le numéro de mars 2002

Vive la cohabitation !

Mon propos n’est pas ici de parler politique. Désolé pour ceux qui espéraient que j’allais leur dire comment voter l’année prochaine. C’est de la cohabitation sur nos beaux chemins dont je veux parler.

Car je m’interroge : quand pourra-t-on enfin réellement cohabiter dans les bois entre randonneurs, vététistes, motards, cavaliers, 4x4, ramasseurs de champignons, chasseurs, pêcheurs, naturistes  et traditionnels, etc.. En effet, je crois que j'ai à peu près pratiqué ou côtoyé toutes ces activités, et après une observation minutieuse et scientifique, j’en arrive à la conclusion que la chose la mieux partagée par tous, c'est l'intolérance envers les autres groupes.

Il est étonnant d'observer par exemple :

- les randonneurs détester les motards et se boucher le nez sur leur passage ;

- les motards détester les chasseurs parce qu’ils les confondent avec des sangliers ;

- les chasseurs détester les cavaliers parce qu'ils mélangent leur crottin à celui des sangliers et que leurs chiens ne s'y retrouvent plus ;

- les cavaliers détester les ramasseurs de champignons parce qu’ils envahissent leurs propriétés : "Édouard, regardez-moi ces gueux piétinant nos terres, je croyais pourtant que vous aviez fait installer une clôture électrique pour les bouter hors du domaine !" ;

- les ramasseurs de champignons détester les VTTistes parce qu'ils écrasent de leurs tétines indélicates leurs belles girolles et autres « pieds de moutons » ;

- les VTTistes détester les 4x4 parce que le diesel les empêche de respirer (il ne serait d’ailleurs pas venu à l’esprit du Vététiste d’utiliser sa voiture pour aller faire du vélo )

- les 4x4 détester les randonneurs parce que « s’ils pouvaient rester chez eux, ces lyonnais, ça nous ferait des vacances ».

La boucle est bouclée, c'est ce qu'on appelle un beau cercle vicieux.

Le trait est forcé bien entendu mais une chose est sûre : tout le monde déteste tout le monde !

Mais une chose sidérante par dessus tout, c'est la propension de tous à s'autoproclamer seuls authentiques défenseurs et amoureux de la nature. Nous sommes tous pareils : quand nous sommes dans les bois et sur les chemins, nous voudrions être les seuls au monde, c’est d’ailleurs pour ça que nous sommes venus : pour fuir les autres. Avec cet état d’esprit, forcément, l’enfer, c’est les autres. Autres qui représentent du coup à nos yeux toutes les tares universelles : pollution, invasion, incivisme, sans-gène, bruit, etc.

Et pourtant, un peu de tolérance et de savoir-vivre (et je dis ça pour toutes les catégories nommées ci-dessus) permettraient que chacun puisse trouver son bonheur en pratiquant son loisir favori. Il y a de la place pour tous : il m'est arrivé de rouler des journées entières dans les chemins sans rencontrer âme qui vive. Pourtant, ce qui risque d’arriver si chacun n’y met pas du sien, c’est qu’on en vienne à réglementer, parquer, protéger, et finalement aller chercher les képis pour qu'ils viennent nous courir après dans les bois.

Le Beaujolais se veut un modèle de bonne entente et de convivialité, prouvons que c’est aussi le cas dans les chemins.

Vivent la liberté, l'égalité et la fraternité !

Pourquoi en appeler à ces valeurs ? Réfléchissez bien, vous verrez, c'est étonnant comme ces trois mots s'appliquent à ce que je viens de dire.

Anthony BLETON, président du Team Tout Terrain Beaujolais